Supprimer l’héritage, briser le mythe de la méritocratie

par Alix Buron
Chargée de communication et chargée de projets en éducation permanente à la FUCID

En 2022, Marlene Egelhorn hérite, de sa grand-mère multimilliardaire, la somme de 25 millions d’euros. Elle a alors 30 ans. Pour cette jeune Autrichienne, il n’est cependant pas question de conserver cet argent : un collectif de citoyens et citoyennes tirées au sort sélectionnera ainsi 77 organisations[1]Parmi elles, des associations anti-racistes, de protection de la nature, de soutien aux sans-abris, des groupes de réflexion, des journaux indépendants, etc. luttant pour une société plus juste afin qu’elles reçoivent la majeure partie de cet héritage. En parallèle, Marlene Egelhorn fonde le mouvement « Tax me now » avec d’autres jeunes héritiers et héritières qui revendiquent une plus grande justice fiscale, alors même que l’Autriche fait partie de ces pays qui ont supprimé la fiscalité sur la succession[2]Tout comme Chypre, l’Estonie, la Lettonie, Malte, la Roumanie, la Slovaquie et la Suède (Yanatma, 2024).. Pour la jeune femme, en effet, la succession n’a rien de légitime : comment justifier le fait qu’elle reçoive autant d’argent, juste parce qu’elle est née dans la bonne famille ?

Une opinion qui tranche pourtant largement au sein d’économies européennes qui se rapprochent dangereusement des sociétés de rentiers[3]Un rentier est quelqu’un qui vit non pas d’un revenu professionnel mais dont les revenus sont générés par les intérêts perçus sur des placements, de biens immobiliers, etc. Nous parlons aussi dans ce texte de revenu du capital (c’est-à-dire les biens et richesses dont on peut tirer … Continuer de lire du 19e siècle. Car de nombreux économistes tirent bel et bien la sonnette d’alarme : l’héritage redevient un facteur prépondérant de richesse, de même que l’un des principaux vecteurs d’inégalité.

À l’échelle mondiale, 40% des milliardaires en 2021 le sont devenus en héritant de leurs parents, selon le Financial Times (Ouest France, 2021). En Allemagne, ce chiffre monte à 70% et atteint les 80% en France[4]En Belgique, nous manquons de données concernant le patrimoine et l’héritage. Elles sont notamment protégées par le droit à la protection de la vie privée. Pour l’Observatoire belge des inégalités, il s’agit avant tout d’un choix politique pour brouiller le débat sur … Continuer de lire, qui compte 42 milliardaires, dont beaucoup sont à la tête d’entreprises familiales très puissantes. Au-delà des grandes fortunes, les héritages représenteraient 60% du patrimoine[5]Le patrimoine est tout ce que possède une personne à un moment donné. national en France, contre 35% dans les années 1970, période pivot où les inégalités se sont renforcées (Petit, 2022). En Belgique, cette part de richesse héritée aurait aujourd’hui atteint 75% de la richesse totale, alors qu’elle était de 45% en 1960 (Dedry, 2024)…

Malgré le développement du salariat et les politiques de redistribution au début du 20e siècle, qui ont réduit autant le patrimoine que les inégalités, les sociétés européennes ont en effet fait face à une hausse du prix de l’immobilier et de la spéculation, un revenu du travail augmentant moins vite que le revenu du capital… avec en plus la concentration du patrimoine par le mariage, les plus riches se mariant, depuis toujours, plutôt entre eux. Pour l’économiste Thomas Piketty, auteur du « Capital au XXIe siècle », nous vivons clairement un retour à des sociétés patrimoniales, où le seul revenu ne permet plus de rejoindre le rang des plus fortunés.

Aujourd’hui, en effet, les inégalités de patrimoine sont bien plus fortes que les inégalités de revenus en Europe. Ainsi, en France, en 2018, les 10% les plus riches gagnaient un salaire en moyenne 2,9 fois plus élevé que les 10% les plus pauvres. Mais ils possédaient surtout 336 fois plus de patrimoine (Parrique, 2022, p.126). Aujourd’hui, 10% des Belges les plus riches posséderaient 55% du patrimoine national, selon la Banque nationale. La moitié des Belges les moins riches, elle, ne posséderait qu’un peu plus de 8% du patrimoine (Ryussen, 2024)… Il n’y a qu’à voir : à Bruxelles, 60% des ménages sont locataires, alors que seulement 16,5% sont multipropriétaires (Bailly, 2021).

En conclusion : pour devenir riche, mieux vaut hériter que travailler.

En Belgique, cette part de richesse héritée aurait aujourd’hui atteint 75% de la richesse totale, alors qu’elle était de 45% en 1960.

La cellule familiale comme vecteur d’inégalités

Comme le met en mots l’équipe du web-média belge Tout va bien (2022) : l’héritage, c’est comme enchaîner des parties de Monopoly, où chacun et chacune garde ce qui a été gagné au tour précédent. Personne n’accepterait cela. Pourtant, les discours politiques, surfant sur l’opinion publique, vont sans cesse dans le sens de la baisse de taxation de l’héritage. Hériter, en effet, c’est transmettre à ses enfants le fruit du travail et des sacrifices d’une vie. C’est mettre ses enfants à l’abri, leur donner une chance dans la vie. En ce sens, l’impôt sur l’héritage est vu comme un impôt immoral, qui s’immisce dans la vie intime de personnes frappées par le deuil.

Pourtant, selon les autrices de l’ouvrage « Le genre du capital », et d’autres sociologues avant elles, la famille est bien plus qu’un simple réseau de liens affectifs. Elle est une institution économique à part entière, entre coups de pouces financiers, prêts sans intérêts, logement gratuit, donation ou héritage… Cette solidarité financière qui permet la transmission d’un capital de génération en génération est un vecteur d’inégalités entre familles, mais également au sein de celles-ci.

Les chercheuses Céline Bessière et Sibylle Gollac ont ainsi pu observer que l’héritier privilégié en France est quasi systématiquement le garçon, en particulier l’aîné, et ce même dans nos sociétés contemporaines se voulant égalitaires. Cet héritier reçoit en effet en priorité le patrimoine professionnel, les biens immobiliers et les terres, c’est-à-dire les choses qu’ « il faut garder » au sein de la famille, avec en filigrane le symbole du nom de famille dont la préservation s’accompagne de la transmission des biens matériels. Les femmes sont ainsi largement désavantagées, et bien souvent se taisent pour préserver la bonne entente familiale. Elles qui, pendant longtemps, n’avaient qu’un droit extrêmement réduit sur la gestion du patrimoine[6]En Belgique, ce n’est qu’en 1976 que la loi proclame l’égalité totale entre les époux : la femme ne doit plus obéissance totale à son mari (ou autre chef de famille si elle n’est pas mariée) et peut par exemple ouvrir un compte en banque sans son autorisation., sont encore considérées comme des héritières de second rang. Leur richesse est bien plus soumise que celle des hommes aux aléas de la vie conjugale[7]Comme le divorce, qui précarise encore fortement les femmes., tout en permettant à leur famille d’accumuler du patrimoine, notamment à travers leur travail gratuit[8]Elles ont bien plus la charge du travail domestique, sont plus souvent à temps partiel pour s’occuper des enfants, sont même souvent des employées non rémunérées dans l’entreprise ou l’exploitation agricole de leurs parents ou de leur mari. Cela permet aux hommes de s’impliquer … Continuer de lire (Bessière et Gollac, 2020, p.85).

Ainsi, malgré un droit successoral strictement égalitaire, notaires et avocats s’adaptent aux arrangements familiaux en défaveur des femmes – par exemple, en sous-estimant la valeur du bien immobilier pour que celui qui le reçoit (souvent le fils aîné, donc) paye moins aux autres. En plus du fait que les femmes sont toujours en moyenne moins payées que les hommes à poste égal, cette dynamique successorale renforce l’écart de richesse entre hommes et femmes : en 2015, il est estimé à 16% en France. Les conséquences sont très concrètes : les hommes sont par exemple deux fois plus souvent propriétaires d’un bien immobilier en leur seul nom que les femmes (Idem, p.15, p.115).

Un autre angle mort de bien des études sur les inégalités de patrimoine : celles qui sanctionnent les personnes non blanches. Ainsi, aux États-Unis, en 2011, la richesse médiane des ménages blancs était plus de seize fois supérieure à celle des ménages noirs – les plus gros facteurs de cette inégalité résidant dans l’héritage. Un autre des rares chiffres que nous possédons : en France, 27% des personnes immigrées ou descendantes d’immigrés d’origine algérienne, marocaine et tunisienne sont propriétaires, contre 60% pour la population majoritaire (Idem, p.34).

En creux de cette inégalité : l’histoire coloniale. Quand on sait que, en 1938, l’Europe dominait plus de 40% du monde habité, rares sont ceux et celles qui ne sont pas descendantes de colonisateurs ou d’anciens colonisés (Ramonet, 2021). En Belgique, le système raciste qui a été développé pour justifier la colonisation du Congo et la répression de ses habitant·e·s a profité à de nombreuses familles et entreprises qui ont pu exploiter les richesses du pays, même après l’indépendance du Congo. Ainsi, selon le Comac, 11 des 23 familles les plus riches de Belgique actuellement ont acquis en partie leur fortune grâce à la colonisation, à l’image des Solvay, Emsens ou Lippens. On pensera également aux travaux d’embellissement de Léopold II, à l’augmentation du pouvoir d’achat, mais pas seulement : de nombreuses entreprises belges ayant bénéficié d’un monopole sur les richesses du Congo étaient cotées en bourse… et 44% des revenus boursiers des citoyens belges en 1955 provenaient d’actions émises par ces entreprises (C.B., 2020).

Comprendre le système de taxation des successions

La Belgique est dotée d’une fiscalité successorale progressive depuis 1919. Avec la France, elle fait aussi partie des pays européens avec la fiscalité la plus stricte : les héritages sont taxés entre 7 et 45% en France et 3 et 30% en Belgique, en fonction des montants des successions (les montants plus élevés sont plus taxés, selon une série de « tranches », ce qui permet de plus taxer les grands héritages et donc une plus grande redistribution) pour un héritier en ligne directe (fille, fils, époux ou épouse qui sont moins taxés). Cet impôt est également calculé sur base de la part reçue par chaque héritier, pas sur le montant total de la succession.
Ainsi, la première tranche de 12 500 euros en ligne directe n’est pas taxée en Wallonie : on appelle cela un abattement. Cette exemption peut monter jusqu’à 25 000 euros selon les conditions. Le conjoint ou le cohabitant légal bénéficie également d’une exemption totale sur la résidence principale. Au fil d’une série de tranches, on arrive à un taux maximal de 30% pour les montants de plus de 500 000 euros en ligne directe. Cela dit, il existe de nombreuses niches fiscales, des dérogations qui favorisent généralement les familles les plus aisées, ayant les moyens de payer les fiscalistes et de planifier leur succession tout au long de leur vie. En conséquence, en France, le top 0,1% des plus riches ne paye pas plus de 10% de droits de succession sur l’ensemble des biens hérités, ce qui est proportionnellement moins que ce que payent les classes moyennes (Saqué et Milliot, 2022).
En 2028, une baisse radicale des droits de succession est prévue en Wallonie, mais elle touchera essentiellement les plus gros montants. Les partis politiques MR et Engagés désirent aller encore plus loin en remplaçant ce système de taux progressif par un taux fixe de 4 à 5% et un abattement sur les 100 000 premiers euros. Si cela peut être une bonne nouvelle pour les plus petits revenus, il faut avoir conscience que cette mesure bénéficiera principalement aux plus riches, étant donné que 50% de la population belge a moins de 212 000 euros de patrimoine (à diviser entre plusieurs héritier·e·s) et qu’un cinquième de celle-ci est endettée (Tout va Bien, 2022). Le chercheur Éric Fabri estime ainsi que l’héritage moyen d’un Belge serait de 150 000 euros (2024). Une moyenne qui cache évidemment de grandes disparités, étant donné les montants faramineux des plus grosses successions. Évidemment, pour combler le manque de revenus pour l’État, MR et Engagés proposent de baisser les dépenses publiques… ce qui accentuera d’autant plus les inégalités (Michel, 2024).

Et le mérite, dans tout ça ?

Malgré les dynamiques inégalitaires qui le sous-tendent, on a bien du mal à remettre en cause l’héritage. Ce tabou n’existait pourtant pas au 19e siècle, époque durant laquelle de nombreux philosophes n’ont pas hésité à en débattre, voire à en exiger l’abolition, tandis que l’on parlait ouvertement de l’importance de l’héritage et d’un « bon mariage » pour faire fortune. Entre le 19e siècle et aujourd’hui, une variante a en effet changé : l’apparition de la notion de méritocratie (France Culture, 2018). L’héritage n’est aujourd’hui plus considéré comme une aubaine influençant le fil d’une vie, mais comme quelque chose qu’on n’est pas censé attendre, ou alors la juste passation du travail et des sacrifices de ses parents[9]Ce qui n’est pas dénué de contradictions. En quoi est-on méritant à hériter de ce qu’on ne pourrait économiser durant toute une vie de labeur ?.

La méritocratie, qui considère que la réussite sociale serait liée au « mérite » (au travail, à certaines compétences plutôt que d’autres…), s’est développée avec comme pilier l’école, devenue gratuite et obligatoire, et considérée comme l’ascenseur social par excellence. Pourtant, que ce soit à travers la réussite scolaire, le choix des filières ou encore la longueur des études, les inégalités sont bien présentes et dépendent essentiellement de l’origine sociale de l’élève. De fait, lorsque la mère détient un diplôme supérieur, son enfant a 10 fois plus de probabilité d’accéder au diplôme supérieur que lorsque la mère dispose d’un diplôme tout au plus de l’école primaire (Sahiti, 2021) : parce qu’il ou elle a moins bien appris les codes de l’école et son fonctionnement, bénéficie moins souvent d’une chambre personnelle pour travailler, d’accès à l’information, de loisirs extra-scolaires ou encore de cours particuliers (Piret et Girès, 2018). Le fait que les différents diplômes n’offrent pas les mêmes niveaux de salaires, de même que la ségrégation sociale[10]Les travailleurs et travailleuses moins qualifiées et les ouvrier·e·s se marient plutôt entre eux, tout comme les universitaires (67% des universitaires sont en couple avec un·e universitaire) (Piret et Girès, 2018)., ferment la boucle : les statuts socio-économiques ont largement tendance à se reproduire au fil des générations.

Même si l’on est friand de récits de personnes issues de familles pauvres qui finissent par « réussir » parce qu’elles ont « travaillé », parce qu’elles ont « pris des risques », ces quelques personnes qui passent entre les mailles du filet ne sont, justement, que des exceptions. Elles ne doivent pas nous faire perdre de vue la présence flagrante des inégalités sociales, et cela malgré le financement public du système éducatif, des hôpitaux, du système de justice et des nombreuses infrastructures financées par nos impôts – certes perfectibles mais indispensables pour briser le cercle de la reproduction sociale. Le « self-made man » n’existe pas.

Malgré tout, interroger la notion de méritocratie est souvent difficile, car on peut avoir l’impression qu’il s’agit de remettre en cause sa propre réussite ou celle de ses proches. Pourtant, l’accès à la richesse n’est pas qu’une question d’efforts : prétendre le contraire reviendrait à vider le débat de toute sa dimension politique. Le mythe de la méritocratie est en effet un récit bien pratique pour justifier les inégalités sociales, qui s’appuient notamment sur la passation d’une injuste répartition des richesses, les dominations sociales et une série de choix politiques.

Ces quelques personnes qui passent entre les mailles du filet ne sont, justement, que des exceptions. Elles ne doivent pas nous faire perdre de vue la présence flagrante des inégalités sociales.

Briser le cycle des inégalités

Hériter, c’est donc plus que toucher une somme d’argent. C’est recevoir une histoire, un nom de famille, un réseau d’entraide, une culture, une éducation. Donner un héritage, c’est aussi une façon d’exprimer son amour. La famille est à la fois un lieu privilégié de solidarité, de reproduction du pouvoir culturel et économique, de sacralisation de la propriété et un espace où se jouent des dominations multiples.

Le problème premier n’est pas l’héritage, mais l’inégale répartition des richesses qu’il tend à renforcer. La taxation sur la succession reste donc l’un des principaux outils permettant de réduire ces inégalités. De nombreuses idées ont déjà émergé afin de la rendre plus efficace : plafonner l’héritage, taxer tout ce qui a été reçu au cours de la vie et non seulement au moment de la mort, ne pas forcément donner la priorité à la famille nucléaire[11]En Belgique, les taxes sont moindres pour l’héritage en ligne directe. De même, dans la loi, la moitié du patrimoine d’un parent doit obligatoirement revenir à ses enfants., supprimer les niches fiscales, ou encore modifier le taux de succession en fonction de l’âge du décès[12]L’idée étant d’aider des personnes dont les parents ou le conjoint seraient morts jeunes, et qui donc perdraient la personne qui subvient à leurs besoins (Bailly, 2021).. Au sein de ces propositions, plusieurs sortent du lot.

Stuart Mill, philosophe du 19e siècle, proposait par exemple de fixer deux seuils : un seuil en dessous duquel il n’y a pas de taxation, et un seuil au-delà duquel la personne ne peut plus hériter (globalement celui qui lui permettrait de ne plus travailler). En Belgique, ces deux seuils pourraient se situer à 150 000 euros (toute personne qui reçoit plus que la moyenne payerait une taxe, mais la majorité des héritier·e·s ne serait donc pas imposée) et à un million d’euros (Fabri, 2024).

Eugenio Rignano, lui (un théoricien du 19e-20e), proposait de fixer des taux d’impositions croissants selon que la portion du patrimoine considérée est de première, deuxième ou troisième génération : ce qui signifie que l’on pourrait transmettre à ses enfants le fruit de son travail, mais pas ce que l’on a soi-même hérité, étant donné qu’on n’y a pas contribué par son propre travail[13]Selon ce principe, l’État est cohéritier du défunt plutôt qu’agent de taxation. Ainsi, un petit-enfant qui hérite d’une maison familiale à, disons, 50% avec l’État, peut toujours racheter la part dévolue à l’État avec le fruit de son propre travail. Pour comprendre toutes les … Continuer de lire.

Une autre idée qui revient régulièrement ces dernières années, notamment portée par Thomas Piketty, est de remplacer totalement ou en partie l’héritage familial par un patrimoine initial versé à tous les jeunes de 25 ans. Cela permettrait également de rajeunir le patrimoine, et le pouvoir qui en découle (Faure, 2019). Cette somme n’aurait rien de négligeable : tout le patrimoine français divisé à part égale, par exemple, représenterait 310 000 euros redistribués par personne (Saqué et Milliot, 2022).

Outre la taxation sur les successions, de nombreux économistes proposent des outils permettant de diminuer les inégalités de richesse et de sortir de cette logique selon laquelle le revenu est actuellement plus taxé que le capital. Par exemple, via une taxation bien plus sévère sur les grandes fortunes et leur patrimoine ou même un plafond de patrimoine afin de faire purement et simplement disparaître les milliardaires. Il s’agirait également de mettre en place, à côté de la propriété privée des petits propriétaires, une forme de propriété sociale et temporaire, notamment au sein des entreprises pour qu’elles soient gérées autant par les propriétaires que par les salariés (Faure, 2019).

Le plus important est que le fruit de ces différentes taxations soit attribué à un projet collectif, afin de financer les services publics, la lutte contre le dérèglement climatique, ou même pour répartir cette richesse entre différents pays, dont certains ont été appauvris par d’autres. En ligne de mire : la prospérité collective et la possibilité pour tous et toutes de mener une vie digne. Et ça, ce serait un bel héritage à léguer aux générations futures.

Références

Références
1 Parmi elles, des associations anti-racistes, de protection de la nature, de soutien aux sans-abris, des groupes de réflexion, des journaux indépendants, etc.
2 Tout comme Chypre, l’Estonie, la Lettonie, Malte, la Roumanie, la Slovaquie et la Suède (Yanatma, 2024).
3 Un rentier est quelqu’un qui vit non pas d’un revenu professionnel mais dont les revenus sont générés par les intérêts perçus sur des placements, de biens immobiliers, etc. Nous parlons aussi dans ce texte de revenu du capital (c’est-à-dire les biens et richesses dont on peut tirer profit).
4 En Belgique, nous manquons de données concernant le patrimoine et l’héritage. Elles sont notamment protégées par le droit à la protection de la vie privée. Pour l’Observatoire belge des inégalités, il s’agit avant tout d’un choix politique pour brouiller le débat sur l’inégalité (d’ailleurs, ajoutent-il, cette clause de protection de la vie privée n’a pas de mal à tomber lorsqu’il s’agit d’évaluer si une personne a droit au CPAS) (Ghesquière, 2023). Nous utiliserons donc régulièrement des exemples français, où la situation est mieux analysée. Les dynamiques de ces deux pays sont cependant très proches.
5 Le patrimoine est tout ce que possède une personne à un moment donné.
6 En Belgique, ce n’est qu’en 1976 que la loi proclame l’égalité totale entre les époux : la femme ne doit plus obéissance totale à son mari (ou autre chef de famille si elle n’est pas mariée) et peut par exemple ouvrir un compte en banque sans son autorisation.
7 Comme le divorce, qui précarise encore fortement les femmes.
8 Elles ont bien plus la charge du travail domestique, sont plus souvent à temps partiel pour s’occuper des enfants, sont même souvent des employées non rémunérées dans l’entreprise ou l’exploitation agricole de leurs parents ou de leur mari. Cela permet aux hommes de s’impliquer davantage dans leurs activités rémunératrices.
9 Ce qui n’est pas dénué de contradictions. En quoi est-on méritant à hériter de ce qu’on ne pourrait économiser durant toute une vie de labeur ?
10 Les travailleurs et travailleuses moins qualifiées et les ouvrier·e·s se marient plutôt entre eux, tout comme les universitaires (67% des universitaires sont en couple avec un·e universitaire) (Piret et Girès, 2018).
11 En Belgique, les taxes sont moindres pour l’héritage en ligne directe. De même, dans la loi, la moitié du patrimoine d’un parent doit obligatoirement revenir à ses enfants.
12 L’idée étant d’aider des personnes dont les parents ou le conjoint seraient morts jeunes, et qui donc perdraient la personne qui subvient à leurs besoins (Bailly, 2021).
13 Selon ce principe, l’État est cohéritier du défunt plutôt qu’agent de taxation. Ainsi, un petit-enfant qui hérite d’une maison familiale à, disons, 50% avec l’État, peut toujours racheter la part dévolue à l’État avec le fruit de son propre travail. Pour comprendre toutes les subtilités du « principe Rignano » :  https://www.revuepolitique.be/contre-lheritage-au-carre-le-principe-rignano/

Bibliographie

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