Catalyser la confiance et porter les revendications citoyennes en temps de crise

Les ONG peuvent-elles réaffirmer leur place en tant qu’actrices de changement au cœur des crises ?

par Laura Berg
Diplômée en coopération internationale à l’HEPN

Au cœur d’une crise sanitaire qui bouleverse les sociétés à travers le monde, des questions essentielles refont surface. Pour les ONG aussi, déjà au centre d’un débat sur leur professionnalisation et leur juste rôle dans nos sociétés, allant parfois jusqu’à jusqu’à une remise en question de leur légitimité. Les ONG pourraient-elles se saisir des opportunités qui se dégagent de la prise en main de la crise du COVID-19 pour réaffirmer leur place d’actrices de changement ? Joueront-elles un rôle majeur dans la construction du récit d’un essentiel commun au sortir de la crise ? 

Selon Pablo Servigne, un ingénieur agronome, auteur et conférencier français qui s’intéresse notamment aux notions de résilience, d’effondrement et de transition, « ce qui se casse le plus facilement c’est la confiance de la population en un récit, en un système » et « l’effondrement de la confiance c’est le cœur des effondrements, la confiance est au cœur de l’entraide » (2021). Outre l’approfondissement sévère des inégalités, la pandémie met aussi à mal la confiance des citoyens et citoyennes en leurs gouvernements, en les médias, mais aussi en les ONG (Edelman, 2021). Dans le secteur de la coopération au développement, la critique de la professionnalisation, de la managérialisation, voir de l’ONGisation [1]L’ONGisation est l’« instauration de la configuration ONG comme vecteur privilégié de l’action collective pour le développement » (Godin, 2017). de l’aide au développement fait couler de l’encre depuis 20 ans, jusqu’à remettre en question leur légitimité même « en tant qu’outils de contestation du néolibéralisme et acteurs de changement social » (Godin, 2017). Ainsi émerge l’importance pour ces organisations, historiquement au cœur des bouleversements, des changements sociaux et des perturbations sociétales, d’assurer leur position d’actrices de changement au confluent des différentes crises qui marquent les populations.  

Cependant, de ces effondrements naît aussi une affirmation grandissante : il est nécessaire de changer les choses. Cet appel fuse dans les revendications citoyennes. Le baromètre Edelman de la confiance 2021 met en lumière une intensification de l’attention publique portée à la résolution de problèmes mondiaux tels que l’amélioration des systèmes de santé, des systèmes éducatifs, la lutte contre la pauvreté, mais aussi la lutte contre le changement climatique. Ne serait-il donc pas temps ? Temps d’imaginer des solutions innovantes face aux enjeux vieillissants, temps de repenser les systèmes - politiques, sociaux, économiques - vers plus de durabilité ? Temps de saisir des opportunités nées du choc de la pandémie et de construire une résilience face aux menaces qu’elle a révélées ? Y a-t-il pour les ONG un rôle à jouer de catalyseur [2]En faisant le parallèle entre les ONG – de développement, de coopération - et ce rôle de catalyseur, on rappelle qu’elles se doivent d’être un moteur pour les revendications sociales et qu’elles s’entourent de partenaires multiples pour amener à une réaction sociétale. Elles sont … Continuer de lire de la confiance ? Ces organisations de la société civile, aux motivations en harmonie avec les revendications citoyennes, outillées pour agir aux différents niveaux de la société et entourées de partenaires expérimentés, ont peut-être un créneau formidable pour assurer leur position d’actrices de changement au sein des sociétés où elles agissent. 

Crise climatique et crise sanitaire : des scénarios liés 

Le choc né de l’apparition de la pandémie a été vif et collectif : d’un coup, la machine a été arrêtée pour nombre d’entre nous, au nom du bien commun. Au moment où l’on était enfermé·e·s dans nos « bulles », beaucoup se sont tourné·e·s vers les autres face à une situation qui s’imposait à tout un chacun. Le temps semblait ainsi propice à la redéfinition de ce bien commun.  

L’échelonnage de nos priorités s’est vu chamboulé. Sur une échelle de « pas essentiel » à « essentiel », où place-t-on les voyages en avion ? Une soirée au cinéma ? Une maison avec un jardin ? Un restaurant entre amis ? Une promenade dans les bois ? Remercier son facteur ? Vivre en famille ? Aller à l’école ? Avoir un espace sécurisé où se confiner ? Prendre une bouffée d’air frais ? La question s’est imposée, dans les foyers où l’on vit à quatre dans un petit appartement, dans les rues où l’on survit faute de meilleure opportunité, dans les hôpitaux où l’on trime, sur les réseaux où l’on partage en guise de solidarité, en réunion zoom où l’on télétravaille. L’idée de « réfléchir au monde d’après » a rapidement fait acte de nécessité dans la construction de la réponse à la crise sanitaire, prenant en compte l’environnement, les luttes sociales et une économie plus durable. Comme initié dès le 27 octobre 2020 par Greenpeace dans un article paru sur son blog [3]« La réponse à la crise du COVID-19 peut rendre notre société plus forte et plus juste », invitant déjà à prendre des mesures signifiantes pour l’avenir des individus et de l’environnement.  

Un moment pour agir ! 

Ainsi, les moyens techniques et économiques phénoménaux déployés par les gouvernements, en vue de lutter contre la propagation de l’épidémie de COVID-19, appellent à des perspectives nouvelles pour lutter contre le changement climatique à grande échelle. Plus encore pour les organisations de la société civile, la crise sanitaire a réexposé les fronts sur lesquels elles se battaient d’ores et déjà : pauvreté, inégalité des chances, sécurité alimentaire, sécurité sociale, éducation pour tou·te·s… La légitimité du travail qu’elles effectuent a pu être mise en lumière au travers du constat de l’échec des gouvernements à offrir une protection équitable à tout un chacun face à la crise. Les parallèles à exprimer entre la crise sanitaire et la crise climatique en cours ne tarissent pas. Du déni, à l’importance d’écouter les experts, en passant par l’importance des responsabilités individuelles et collectives, la crise sanitaire pourrait bien nous servir d’exemple afin de tirer des leçons qui s’appliqueront aux crises suivantes.  

Pour les organisations de la société civile, la crise sanitaire a réexposé les fronts sur lesquels elles se battaient d’ores et déjà : pauvreté, inégalité des chances, sécurité alimentaire, sécurité sociale, éducation pour tou·te·s... La légitimité du travail qu’elles effectuent a pu être mise en lumière au travers du constat de l’échec des gouvernements à offrir une protection équitable à tout un chacun face à la crise.
 
Le déni  

Tout comme le changement climatique a été remis en question par nombre de climatosceptiques, les idées contraires et les mouvements de déni du phénomène sanitaire marquent aussi la crise sanitaire actuelle. La confiance du peuple en les médias nationaux et en son gouvernement a été à nouveau mise à mal : qui croire, quand un phénomène si inédit s’impose rapidement dans nos quotidiens ? L’information a fusé, en réponse à un peuple qui ne savait plus à qui poser les bonnes questions. Face à une information trop dure, face à une situation qui menaçait de marquer nos quotidiens indéfiniment, la réponse a d’abord été empreinte de déni. Désinformation et complotisme se sont immiscés dans de nombreux foyers, comme simple réponse à un problème qu’on n’avait pas su anticiper, pas su préparer. En novembre 2020, Marie Peltier, historienne belge, spécialiste de la propagande en Syrie et essayiste sur le thème du complotisme, pose une question pertinente dans une tribune qu’elle écrit pour Le Monde : « Comment lutter contre le complotisme et la désinformationdans un contexte où le pouvoir politique lui-même est parfois hésitant devant la propagationd’arguments de moins en moins scientifiques et rationnels ? ». Elle rappelle que la « composante traumatique » de la pandémie ajoute à l’inconcevable de la situation et influence inévitablement les citoyennes et les citoyens, déjà difficilement unis autour d’un récit collectif du bien commun et de confiance, pour qu’ils se positionnent en défiance face à des décideurs qu’ils jugent parfois incompétents, corrompus, et eux-mêmes porteurs de désinformation.  

Aussi, non seulement ces crises mondiales soulèvent l’importance de notre relation à l’information, mais surtout elles ravivent la question de la confiance que l’on accorde aux élites dirigeantes et scientifiques qui composent notre bulle informationnelle.  

 
Des petits gestes quotidiens aux grandes mesures gouvernementales 

Le début de la pandémie a été marqué par un appel à la responsabilité des individus : se laver les mains, mettre son masque, tenir une distanciation sociale réglementaire. Ces gestes relevaient de la responsabilité individuelle ; des petits gestes du quotidien qui doivent contribuer à un plus grand bien commun. Pourtant, « Si [les mesures visant la responsabilité individuelle] s’avèrent efficaces dans le contrôle de l’épidémie, ces mesures ne doivent pas être confortées comme modèle dominant de la promotion de la santé et faire oublier l’importance d’un autre volet de la responsabilité qu’est la responsabilité collective. » (Observatoire de la Santé du Hainaut, 2020, p.20) 

Inévitablement, cela fait écho aux bonnes habitudes écologiques souvent prônées afin d’agir positivement sur son environnement : recycler, trier ses déchets, acheter local, manger végétarien… Des « coups de pouce » à échelle humaine qui doivent contribuer à la mise en place d’un plus grand cercle vertueux par l’accumulation des individualités. 

Du point de vue de la prévention de la propagation du virus, s’en sont suivi les grandes mesures : confinement, télétravail, réduction des déplacements. Si l’effort individuel est toujours d’actualité, il est nécessaire de définir des grandes lignes auxquelles personne ne peut déroger. Il en est de même pour la lutte contre le réchauffement climatique. Des lois et réglementations imposées aux entreprises et aux pays définissent un cadre plus strict à vocation plus large que l’implication des responsabilités individuelles.  

Dans ces deux cas, l’implication de la responsabilité individuelle a posé question (Ibid) : qu’en est-il de ceux qui n’ont pas les moyens d’agir à leur échelle ? Les facteurs socioéconomiques réapparaissent ici et peuvent être sources d’une marginalisation ou discrimination de ceux et celles qui n’ont pas le pouvoir d’agir dans le sens des recommandations. L’imposition d’un cadre commun, qui s’applique obligatoirement à tout un chacun, ajoute de l’égalité à la problématique. Il n’est cependant pas empreint d’équité, c’est pourquoi des mesures d’aides doivent nécessairement accompagner ces normes et recommandations pour les populations qui risquent d’être exclues à cause de celles-ci. C’est aussi dans une optique d’équité que des cadres plus fermes doivent s’imposer à ceux qui altèrent régulièrement les écosystèmes par leurs activités d’extractivisme, de modification et d’appauvrissement des ressources épuisables.  

 
Écouter les experts 

Puisque liées à deux corps d’étude spécifiques - climatologie et virologie -, ces deux crises s’accompagnent d’avis, de prédictions et de recommandations issues des recherches d’expert·e·s en la matière. Dans les deux cas cependant, elles et ils se sont bien peu sentis écoutés aux prémices des crises.  

Si, pour la crise sanitaire actuelle, ils se sont tout de même imposés comme références pour les décideurs et décideuses politiques, rien n’est moins sûr pour les climatologues et scientifiques qui tirent la sonnette d’alarme pour le réchauffement de la planète depuis les années 80. Là aussi, pourtant, un parallèle est à faire puisque les scientifiques alertent depuis 10 ans déjà sur l’arrivée d’une telle pandémie (Leblanc, 2020). 

« Aurélien Barrau souligne avec raison le double constat : dans les deux cas il s’agit bien 1) d’une vérité scientifique et 2) d’un choix politique. Dans le cas du COVID-19, les épidémiologistes nous ont prévenus (vérité scientifique) et le confinement est forcé par le gouvernement (choix politique coercitif sur la sphère économique et les citoyens). Dans le cas du réchauffement climatique, les climatologues nous préviennent à répétition (vérité scientifique) pourtant les mesures prises sont excessivement faibles (choix politique de laisser faire). » (Marcel, 2020) 

Si l’on peut, peut-être, encore fermer les yeux sur les preuves du réchauffement climatique au quotidien, il est difficile d’ignorer la vague de maladie qui s’abat, cette fois, aussi jusque dans nos sociétés occidentales, et les choix dramatiques qui s’imposent dans tous les hôpitaux. Là où le bât blesse c’est que c’est précisément pour prévenir de telles situations d’urgence que les scientifiques émettent des appels à la raison depuis si longtemps sur le plan climatique. Peut-être y-a-t-il, dans la reconstruction d’après-covid, une réflexion à appuyer sur ce parallèle important. Ceci afin de rappeler qu’il ne faudrait pas imaginer cette crise comme un évènement de passage, mais plutôt comme les prémices d’une période de chocs et de choix urgents à faire dans nos politiques et dans nos vies.

La différence est que si l’on peut, peut-être, encore fermer les yeux sur les preuves du réchauffement climatique au quotidien, il est difficile d’ignorer la vague de maladie qui s’abat, cette fois, aussi jusque dans nos sociétés occidentales, et les choix dramatiques qui s’imposent dans tous les hôpitaux. Là où le bât blesse c’est que c’est précisément pour prévenir de telles situations d’urgence que les scientifiques émettent des appels à la raison depuis si longtemps sur le plan climatique. Peut-être y-a-t-il, dans la reconstruction d’après-covid, une réflexion à appuyer sur ce parallèle important. Ceci afin de rappeler qu’il ne faudrait pas imaginer cette crise comme un évènement de passage, mais plutôt comme les prémices d’une période de chocs et de choix urgents à faire dans nos politiques et dans nos vies.  

 
Repenser nos libertés 

Pour ralentir la propagation de l’épidémie, nous avons dû réinventer nombre de nos « libertés » : voyager, rencontrer des amis, boire un verre en terrasse. Avant la pandémie, ces actions nous semblaient anodines, presque invisibilisées dans le quotidien des personnes qui se prêtaient régulièrement à ces activités. Mais une telle réinvention a été nécessaire afin de lutter d’un effort commun contre une menace qui évoluait plus vite qu’on ne pouvait la contrer. Réinventer notre façon de profiter de certaines de nos libertés, c’est aussi l’une des étapes nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Les voyages devraient être repensés, nos choix de consommation réévalués et nos vies relocalisées.  Un temps nous est offert pour une introspection collective sur ce qui nous est « essentiel » et ce qui ne l’est pas. 

« L’autre point que je trouve intéressant c’est qu’ici on accepte des restrictions très fortes de liberté pour sauver nos vies. Il faut le faire tant que ça reste provisoire bien sûr. Pourquoi n’acceptons-nous pas des restrictions de liberté, qui seraient infiniment moindres et qui réouvriraient d’autres libertés, pour pérenniser la vie sur terre ? » (Barreau, 2020) 

 
Inégaux face à la crise 

Les leçons tirées de l’impact de la crise sanitaire en termes d’inégalités - impossibilité de se confiner dans un lieu sécurisé, obligation de vivre dans un espace trop restreint pour appliquer les règles d’hygiène nécessaires, impossibilité de prétendre à des soins de santé décents… - sont des leçons qui pourraient être tirées de la crise climatique. Nous ne serons « pas tous égaux » face à cette crise-là non plus. Montée des eaux, pollution de l’eau, sécheresses, … Les conséquences prévues du changement climatique et de l’extinction de masse des espèces, si elles nous affectent tous à notre échelle, ne manqueront pas de porter un coup plus dur aux populations vulnérables et à tous ceux qui n’auront pas les moyens de se prévenir de ces conséquences néfastes - déménager des zones où la mer monte, payer des soins de santé en cas de maladies respiratoires, cultiver des terres qui ne sont pas asséchées… Comme l’indique la Commission européenne : « souvent, les populations qui y vivent [dans les pays du Sud] dépendent fortement de leur environnement naturel, alors que ce sont elles qui disposent du moins de ressources pour faire face au changement climatique. » (ec.europa.eu)  

Interdépendance des crises 

Parmi les chocs causés par les mesures prises par les gouvernements du monde pour ralentir la propagation du virus, ceux subis par nos systèmes de production et de transports des marchandises ne peuvent être négligés. Dépendants d’un marché mondialisé, exporté et délocalisé, nous nous sommes révélés tributaires d’autres pays pour réapprovisionner des biens dont on avait cruellement besoin. Le sentiment de panique qui a poussé les citoyens à se ruer vers les supermarchés pour faire des stocks nous a montré qu’une incertitude réside tout de même dans nos systèmes dépendants les uns des autres : le risque de ne plus être approvisionné. Les preuves de défaillances de ces systèmes exportés et démantelés tout le long de la chaîne d’approvisionnement semblent être faites.  

La notion d’interdépendance, de nos économies et des peuples, nous rappelle l’existence de tous ces fils de soie se tissant d’un quotidien à l’autre, créant une réaction en chaîne logique, produit de sociétés qui n’ont cessé de se connecter, de s’exporter ou encore de se délocaliser, au gré d’une marchandisation de biens et de mains-d’œuvre qui correspond aux normes de vie défendues dans les pays du Nord. Si une solidarité est née durant cette crise, elle a dû en partie naître d’une prise de conscience accrue de cette interdépendance qui lie chaque hameau de notre village planétaire déséquilibré. Et si la fragilité de nos systèmes alimentaires a été synonyme de menace jusqu’aux sociétés occidentales, elle a d’autant plus menacé les pays du Sud qui dépendent fortement de leurs exportations. Une opportunité se dessine alors : comme le mentionne Marc Rees dans son analyse pour SOS Faimle choc a permis de remettre en valeur la nécessité de se tourner vers l’agriculture familiale, moins dépendante des importations puisqu’ « exploitant les ressources et les biens disponibles au niveau local» (7 octobre 2020).  

Dans la lutte contre le changement climatique, cette notion d’interdépendance revêt toute son importance et toute sa nuance au regard des domaines multiples qui se voient touchés par la dégradation de nos écosystèmes. Valoriser l’agriculture familiale est aussi une réponse face à la crise climatique puisque les « systèmes alimentaires mondiaux restent un des principaux moteurs de changement climatique», contribuant « à près d’un tiers de toutes les émissions de gaz à effet de serre » (Ibid) ainsi qu’à une baisse conséquente de la biodiversité. Ainsi, repenser les systèmes alimentaires s’impose comme outil de résilience face aux crises écologiques, économiques et politiques mondialesMais les opportunités qu’offrent les circuits courts et les systèmes alimentaires locaux ne s’arrêtent pas là. En effet, la propagation des zoonoses [4]Des maladies infectieuses émergentes transmises des animaux à l’homme, comme l’explique cet article de la Fondation pour la recherche sur la Biodiversité : https://www.fondationbiodiversite.fr/modification-des-ecosystemes-et-zoonoses-dans-lanthropocene/ « est facilitée par notre production industrielle et notre surconsommation de viande, d’œufs et de produits laitiers(Greenpeace, 2021) ». Comme l’indique Léo Grasset, biologiste de formation et créateur de contenu de vulgarisation scientifique [5]Dans une vidéo de vulgarisation sur l’apparition de plus en plus fréquente de ces situations sanitaires : https://www.youtube.com/watch?v=VJNt1AQ8p2A, les gestes qui détruisent notre biodiversité et nos écosystèmes dérèglent à ce point ces derniers que nous en payons les frais à un prix de plus en plus élevé. Si les réponses sur les origines exactes de la pandémie actuelle restent incertaines, l’empiètement hors-norme des êtres humains sur des écosystèmes, qu’ils s’approprient sans respect pour les vivants ayant toujours vécus sur ces sols, influence l’émergence de ces maladies transmises des animaux à l’homme. 

Que cela soit dans les actions d’Education à la citoyenneté mondiale et solidaire des organisations de la société civile, dans leurs actions de plaidoyer ou même dans leur travail sur le terrain où elles agissent, ces leçons à tirer des méandres de la crise peuvent raisonner en actions imminentes. Des actions ayant vocation à créer une réflexion autour des mesures qui doivent permettre d’éviter l’avènement de crises en cascade. Ce en promouvant une meilleure capacité de résilience dans les systèmes sociaux, de santés et économiques qui ont subi le choc de la pandémie. 

Conclusion : Des mesures inédites et un rôle à jouer pour les ONG 

Tirer des leçons de la situation actuelle pourrait nous servir sur bien des plans. Toujours en cours, la crise du COVID-19, avec les conséquences qui en découlent, n’a bien sûr pas encore écrit toute son histoire. Cependant, elle a déjà marqué nos sociétés de façon historique et permet à tout un chacun de tirer les leçons : si la crise a pesé sur nos systèmes de santé plus sévèrement, parce que ceux-ci étaient délaissés par nos États depuis des années, alors pensons à refinancer les services publics ; si la crise a créé une compétition déloyale entre pays pour obtenir des vaccins, sur lesquels les sociétés pharmaceutiques se sont empressées de mettre des brevets, alors faisons le bilan de ce que signifie le « bien commun » ; si des tranches de la population sortent grandes gagnantes d’une crise qui touche de façon inéquitable les individus, en fonction de leur statut socio-professionnel, de leur couleur de peau ou encore de leur pays de résidence, alors continuons de nous investir dans la réduction de ces inégalités ; si cette situation sanitaire n’est que les prémices d’une suite certaine de dérèglements en tout genre, faisant suite aux interventions humaines dans les écosystèmes, alors renforçons les luttes et les actions pour soutenir la cause climatique. Des leçons qui apparaissent ici résumées, mais qui permettent de réaffirmer une idée que nombre d’acteurs de la société civile et de citoyens tentent de porter depuis le début de la pandémie : se saisir de mesures fortes pour protéger le bien commun doit aussi rester une réalité face à la crise climatique. 

Les actions nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique et l’extinction de masse des espèces sont aussi des actions qui auraient permis une meilleure résilience de nos sociétés pour faire face aux chocs nés de la pandémie et aux mesures prises pour ralentir sa propagation.

Car un constat important dans ce contexte de crise est que des mesures fortes ont été décidées en un rien de temps par de nombreux gouvernements aux quatre coins du monde. Des mesures inédites, étonnantes et qui ont montré leur efficacité. Des mesures à l’écoute des recommandations scientifiques, allant à l’encontre de l’économie néolibéraleDes mesures ambitieuses et prises dans un élan mondial de lutte pour le bien commun, c’est bel et bien aussi ce qui est demandé dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour préserver la biodiversité. Ceux et celles qui luttent pour que des solutions soient prises face à l’altération des écosystèmes et face à l’extinction massive de la biodiversité appellent à ce que des mesures mondiales soient aussi adoptées, en harmonie avec les rapports des climatologues et experts environnementaux, au nom du bien commun et du respect du vivant. La leçon qu’il faudrait ici tirer est que les actions nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique et l’extinction de masse des espèces sont aussi des actions qui auraient permis une meilleure résilience de nos sociétés pour faire face aux chocs nés de la pandémie et aux mesures prises pour ralentir sa propagation. 

En conclusion, le moment semble opportun. À l’heure où les ONG belges ont lancé une réflexion autour de nouveaux objectifs quinquennaux, à l’heure où les mobilisations ont tenu tête aux barrières physiques qui leur étaient imposées, à l’heure où beaucoup ont dû se réinventer, se repenser et se redécouvrir dans des sociétés qui ont toujours reposé sur leurs économies en marche et qui n’étaient pas prêtes à faire preuve de résilience. Dans un moment qui a forcé les peuples, d’un coup de fouet mondial, à se poser ou se reposer des questions essentielles : à quoi a trait mon confort ? À quoi tient ma santé ? À qui dois-je mes libertés ? À quel avenir puis-je aspirer ? Beaucoup de ces questions résonnent plus fortement lorsque la personne qui se les pose reste victime des catégorisations définissant ses chances au sein des sociétés dans lesquelles elle vit : les populations racisées, les femmes, les personnes migrantes ou sans-papiers… La pandémie nous l’a montré : au cœur des crises, les inégalités sont ravivées, creusées. Il est important aujourd’hui de tirer les leçons qui nous incombent pour préparer une réponse collective aux crises futures. Pour les ONG, il est important de réaffirmer leur place au cœur de cette réponse collective. Il est important de rappeler leurs liens intrinsèques avec les mouvements sociaux en se joignant à la voix des citoyennes et citoyens soucieux de porter jusqu’aux gouvernements des solutions qui ne laisseront pas oublier les inégalités vécues au cours de cette crise. Il est important qu’elles mettent à l’œuvre leur capacité à créer un réseau de partenaires expérimentés autour d’une situation problématique à solutionner et qu’elles utilisent les outils qui leur permettent de se positionner à l’orée des divers domaines qui, ensemble, constituent une réponse harmonieuse aux crises sociétale, économique, climatique et sanitaire. 

Références

Références
1 L’ONGisation est l’« instauration de la configuration ONG comme vecteur privilégié de l’action collective pour le développement » (Godin, 2017).
2 En faisant le parallèle entre les ONG – de développement, de coopération - et ce rôle de catalyseur, on rappelle qu’elles se doivent d’être un moteur pour les revendications sociales et qu’elles s’entourent de partenaires multiples pour amener à une réaction sociétale. Elles sont un élément qui favorise le changement et qui aide à sa mise en place grâce à leurs outils et leurs ressources, mais elles n’agissent pas seules au sein d’une société.
3 « La réponse à la crise du COVID-19 peut rendre notre société plus forte et plus juste »
4 Des maladies infectieuses émergentes transmises des animaux à l’homme, comme l’explique cet article de la Fondation pour la recherche sur la Biodiversité : https://www.fondationbiodiversite.fr/modification-des-ecosystemes-et-zoonoses-dans-lanthropocene/
5 Dans une vidéo de vulgarisation sur l’apparition de plus en plus fréquente de ces situations sanitaires : https://www.youtube.com/watch?v=VJNt1AQ8p2A

Bibliographie

L'analyse en PDF

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