Climat, migrations, inégalités : les oppressions interconnectées face au « Tous pour le climat »

par Alix Buron
Chargée de communication et chargée de projets en éducation permanente à la FUCID

Le 6 mai 2021, Carola Rackete, activiste allemande et capitaine de navire, recevait la distinction de Docteur Honoris Causa de l’Université de Namur. Le même jour, elle donnait une conférence dans le cadre des Midis de la FUCID, afin de tisser des liens entre justices climatique, sociale et migratoire. Car si cette capitaine est avant tout connue par le grand public pour avoir forcé le blocus italien afin de débarquer dans le port de Lampedusa une quarantaine de personnes migrantes secourues en mer, elle est avant tout une scientifique et environnementaliste. C’est ainsi qu’elle a, entre autres, observé la fonte des glaces en Antarctique et occupé la forêt allemande de Dannenrod contre le projet de construction d’une autoroute en son sein. À ses yeux, pourtant, les combats pour la justice migratoire et la protection de l’environnement ne sont pas si éloignés. Explications.

L’été 2021 fut celui de tous les records : inondations en Belgique et en Allemagne, incendies historiques en Californie et dans le bassin méditerranéen, records de températures maximales partout dans le monde [1]Juillet 2021 fut le mois le plus chaud jamais enregistré par rapport à une moyenne mondiale. De nombreux pays ont également enregistré des records de température, comme la Turquie (49,1°C), le Maroc, le Canada, le Japon, les Etats-Unis, la Sibérie,… (Deluzarche, 2021) … Des extrêmes toujours plus exacerbés par le changement climatique. Selon le nouveau rapport du GIEC – le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – nous devrions en effet atteindre +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle autour de 2030, dix ans plus tôt que leur estimation de 2018. Un changement de température dont on peut déjà appréhender les conséquences : par exemple, des catastrophes climatiques plus fréquentes, des risques de pénurie alimentaire, de stress hydrique et de déplacements massifs de population face à une planète de plus en plus inhabitable.

À l’heure actuelle, c’est en effet 2% de la surface terrestre qui est invivable à cause d’une température excessive. Une problématique qui, l’explique Carola Rackete durant le Midi de la FUCID, touche essentiellement les pays d’Amérique du Sud, d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-Est. Et ces zones invivables progressent rapidement : d’ici 2070, ce serait 19% de la planète qui sera simplement trop chaude pour être encore peuplée. De quoi provoquer des migrations massives de populations, qui risquent bien de se retrouver face aux portes closes de pays plus tempérés.

D’ici 2070, ce serait 19% de la planète qui sera simplement trop chaude pour être encore peuplée. De quoi provoquer des migrations massives de populations, qui risquent bien de se retrouver face aux portes closes de pays plus tempérés.

Les contours flous de la migration environnementale

La perspective de mouvements de populations n’a pourtant rien de futuriste : les migrations environnementales [2]Aussi appelées migrations climatiques. Il n’existe pas de définition internationale de la mobilité environnementale à ce jour, mais l’Organisation Internationale des Migrations propose celle-ci : « On appelle migrants environnementaux les personnes ou groupes de personnes qui, … Continuer de lire toucheraient déjà 26 millions de personnes par an. Elles représenteraient, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, entre 250 millions et 1 milliard de migrant·e·s d’ici 2050 (Brugvin, 2019). Des chiffres basés essentiellement sur les migrations causées par une catastrophe climatique, comme des ouragans ou des inondations, mais bien plus difficiles à évaluer lorsque l’on considère les personnes qui doivent, par exemple, quitter leurs terres lentement dégradées par la sécheresse. À ces deux types de migrations environnementales (causées par des catastrophes naturelles soudaines ou une lente dégradation de l’environnement) s’ajoutent celles qui seront engendrées par la montée des eaux, une autre conséquence particulièrement préoccupante du changement climatique. Ce sont en effet plus de 602 millions de personnes qui habitent sur des zones côtières à une altitude inférieure à dix mètres au-dessus de la mer, dont 438 millions en Asie, et qui risquent de voir leurs lieux de vie submergés d’ici à 2100 (Felli, 2008). Certaines petites îles du Pacifique Sud ont d’ailleurs déjà été englouties (Demeersman, 2017). Et si certains pays, comme l’Indonésie, préparent déjà la montée des eaux en déplaçant les centres économiques et politiques dans des régions à plus haute altitude, la plupart des zones très exposées aux catastrophes – déjà très peuplées – continuent leur développement démographique, comme le Delta du Mékong (Gemenne, 2020). Les sécheresses à répétition ou des inondations poussent en effet de nombreux paysans et paysannes appauvries vers la ville.

De ces migrants et migrantes, la plupart restent dans leur propre pays, cherchant à se réinstaller dans leur région d’origine. Ils s’installent plus rarement dans un pays voisin, et tentent plus rarement encore leur chance vers l’Europe – en général, il s’agit des rares qui en ont les capacités financières.

À ce jour, il n’existe aucun statut légal pour les réfugié·e·s climatiques. Ces derniers ne sont en effet pas assimilés aux réfugiés reconnus par la Convention de Genève. Cette Convention stipule qu’un réfugié est une personne qui « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » [3]Le texte officiel complet peut être consulté ici : https://www.unhcr.org/fr/about-us/background/4b14f4a62/convention-protocole-relatifs-statut-refugies.html, ce qui ne comprend donc pas explicitement les menaces climatiques. L’accueil des réfugiés est y également considéré comme un acte temporaire, afin de protéger ces personnes contre la violence de leur pays d’origine jusqu’à ce qu’il soit à nouveau sûr. Cela dit, la Convention de Genève ne garantit pas leur accueil dans un pays étranger : le droit d’asile repose en effet sur une interprétation de chaque État de ce que constitue un pays à risque, interprétation traversée d’intérêts économiques et politiques (Legoux, 2010).

En 2016, Ioane Teitiota, un homme de la République des Kiribati, État archipélagique de l’océan Pacifique, s’est ainsi fait refuser sa demande d’asile en tant que « réfugié climatique », déposée en Nouvelle Zélande. Il a, par la suite, été expulsé vers son pays, où il était pourtant confronté à des difficultés d’accès à l’eau potable et des conflits fonciers à cause du changement climatique (Amnesty International, 2020). Si le Comité des droits de l'homme de l’ONU, vers qui Ioane Teitiota a porté l’affaire, a déclaré que le changement climatique présentait bel et bien une grave menace pour l’accès à la vie, il n’a pas considéré l’expulsion de cet homme comme illégale [4]Cela n’empêche pas la Nouvelle Zélande de faciliter l’immigration de certain·e·s ressortissant·e·s d’îles du Pacifique Sud menacées par la montée des eaux (Felli, 2008). Mais selon ses propres critères..

Malgré son absence de statut légal, le terme de réfugié climatique reste cependant largement utilisé par des associations, chercheur·euse·s et réfugié·e·s eux-mêmes afin de défendre l’idée que la migration climatique est forcée, et qu’il y a donc une nécessité d’assistance [5]Même si d’autres condamnent l’utilisation du terme de réfugié climatique, considérant qu’il peut déforcer le statut de réfugié politique, permettant donc à certains pays de s’affranchir encore plus de la Convention de Genève (Legoux, 2010).. Plus encore : que le changement climatique et ses conséquences environnementales sur des populations vulnérables relèvent bien de choix politiques qui oppressent ces populations forcées de quitter leurs terres.

Des inégalités exacerbées

Carola Rackete, durant sa présentation à la FUCID, enfonce le clou : les changements climatiques exacerbent les inégalités entre Sud Global et Nord Global [6]Les termes Nord Global/Sud Global, de plus en plus employés dans le monde associatif, ont pour objectif de souligner la fracture entre pays enrichis et dominants et pays appauvris et dominés via des rapports de force (des relations néocoloniales, des systèmes de dettes, etc.). Le terme « Nord … Continuer de lire, car les personnes qui sont et seront les plus touchées par les catastrophes climatiques et la sécheresse, celles habitant majoritairement dans le Sud Global, sont également celles qui produisent le moins d’émissions de CO2 (cause première des changements climatiques). Ainsi, selon un rapport d’Oxfam qu’elle nous présente, les 10% les plus riches sont responsables de la moitié des émissions de CO2 mondiales, mais la crise climatique affecte en priorité les 50% les plus pauvres, qui n’émettent que 10% des émissions. Très concrètement, en cas de catastrophe climatique, « les habitants des pays les plus pauvres ont six fois plus de risques d’être blessés, de perdre leur maison, d’être déplacés ou évacués ou d’avoir besoin d’une aide d’urgence que ceux des pays riches. » (IBON International, 2020, p.85).

Au-delà du traditionnel clivage Nord-Sud, bien d’autres inégalités sont exacerbées par la dégradation de l’environnement : dans le Nord Global, par exemple, les ménages les plus modestes subissent ainsi plus fortement les vagues de chaleur (avec un taux de mortalité plus élevé), l’augmentation des prix de l’énergie (dans des logements mal isolés), et ne bénéficient pas toujours d’assurance en cas de catastrophe naturelle. En Amérique du Nord, une étude a démontré que les personnes issues de la migration appartenant aux populations les plus pauvres sont plus susceptibles de vivre près d’usines ou de raffineries. Ce qui fait que la population afro-américaine a trois fois plus de risque de mourir de la pollution de l’air que la population américaine moyenne (Amnesty International Belgique francophone). Les femmes, qui subissent déjà des oppressions liées à leur genre, encourent quant à elles 14 fois plus de risques de mourir que les hommes face à une catastrophe climatique [7]Notamment car ce sont souvent elles qui fournissent le foyer en eau, cultures agricoles, bois et autres et elles dépendent donc plus de la biomasse (IBON International, 2020, pp.87-88).. Et comme l’explique la militante queer antiraciste Ruth Grâce Paluku-Atoka, d’autres groupes minorisés auxquels on pense rarement peuvent aussi être particulièrement affectés par le changement climatique : « Une personne queer [8]Personne dont l'orientation ou l'identité sexuelle ne correspond pas aux modèles dominants. a plus de chance d’entretenir un lien fragile avec sa famille. Lors de catastrophes naturelles, beaucoup de personnes doivent être déplacées, et les personnes queer se retrouvent encore plus isolées. Les personnes non-queer vont plus facilement trouver une solution grâce à leur support system, alors que ce support system est plus fragile pour une personne queer, qui risque d’être plus longtemps sans logement. » (Cheurfi, 2020)

La problématique de la justice climatique est donc étroitement liée à des systèmes d’inégalités et d’oppressions déjà en place (néocolonialisme, classisme, racisme, sexisme, homophobie, pour ne citer que les exemples repris ci-dessus) qui créent ou renforcent la position de vulnérabilité d’immenses franges de la population. L’idée largement répandue du problème climatique comme problématique mondiale, comme une responsabilité à partager entre tous les pays et tous les citoyens et citoyennes de ces pays, ignore donc largement ces multiples inégalités. Cette vision globalisée est d’ailleurs essentiellement occidentale. Comme l’expose l’économiste et professeur Thierry Amougou dans son article « L’urgence écologique, un récit occidentalo-centré » (2020), dans le Sud Global, bien peu sont celles et ceux qui « marchent pour le climat ». Les étudiant·e·s, chercheur·euse·s et politiques en Afrique, Asie centrale et Amérique latine luttent plutôt pour la préservation de leur territoire face à la prédation capitaliste (projets miniers qui polluent les terres, forêts rasées pour y faire pousser du soja qui nourrira des bovins en Europe, communautés expropriées pour l’extraction de pétrole, etc.) [9]Pour une analyse plus poussée de ces luttes contre les projets extractivistes et les notions de territoire et d’écologie au Nord Global et Sud Global, voir notre article « Écologies du Nord et du Sud : les communs comme exemple de réappropriation populaire de l’environnement naturel et … Continuer de lire.  Ou ils luttent tout simplement pour l’acquisition de droits sociaux, comme l’accès à une nourriture de qualité, une éducation ou des conditions de travail décentes. Ce sont pourtant eux qui payeront le prix fort du dérèglement climatique, alors même qu’ils ont si peu profité de la richesse accumulée essentiellement dans le Nord Global, au prix de la dégradation de l’environnement.

La problématique de la justice climatique est donc étroitement liée à des systèmes d’inégalités et d’oppressions déjà en place (néocolonialisme, classisme, racisme, sexisme, homophobie,...) qui créent ou renforcent la position de vulnérabilité d’immenses franges de la population. L’idée largement répandue du problème climatique comme problématique mondiale, comme une responsabilité à partager entre tous les pays et tous les citoyens et citoyennes de ces pays, ignore donc largement ces multiples inégalités. Cette vision globalisée est d’ailleurs essentiellement occidentale.

Car si cette inégalité climatique est difficilement quantifiable au sein de systèmes d’oppression comme ceux liés au genre ou à l’orientation sexuelle, elle a été plus largement analysée par rapport aux besoins de réduction des émissions de CO2 des pays du Sud Global et du Nord Global. Le projet US Fair Share Target a ainsi calculé, pour les États-Unis, la baisse de CO2 qui devrait être accomplie si les émissions historiques et la richesse étaient prises en compte : « Les États-Unis devraient, d’ici 2050, pour un partage équitable, réduire leurs émissions de 195% ! … Ils devraient atteindre 0% d’émissions d’ici 2025. », annonce Carola Rackete. Un objectif impossible à atteindre, bien sûr, mais qui illustre l’énormité de l’inégalité climatique [10]Cela peut paraître délirant par rapport aux calculs d’émissions de CO2 par pays dont nous avons l’habitude. Il faut dire que ces calculs ne prennent généralement pas en compte les responsabilités historiques au-delà de 1990. Les émissions liées à la fabrication de produits qui sont … Continuer de lire.

Il est donc absolument nécessaire que les solutions proposées pour lutter contre le changement climatique soient examinées sous l’angle la justice sociale et puissent améliorer les conditions de vie des personnes les plus marginalisées.

De la nécessité de faire sauter les barrières

Un·e habitant·e de la planète sur sept est une personne migrante (Luneau, 2016). Leurs raisons sont vastes et bien souvent imbriquées, que ce soit une migration poussée par des insécurités dans son pays, une opportunité travail, parfois saisonnier, ou l’envie de passer sa retraite au soleil. Depuis toujours, les êtres humains ont migré pour s’adapter à leur environnement. Le changement climatique exacerbe cependant la pression et la portée des migrations forcées, à cause de la montée des eaux, des sécheresses, des inondations et d’autres dégradations environnementales qui menacent les moyens de subsistance de millions de personnes, souvent déjà vulnérables.

Pour beaucoup de ces personnes déplacées, migration climatique et économique [11]Et parfois même migration politique : des liens causaux ont en effet été établis entre changement de températures ou de précipitation et conflits humains. La guerre qui déchire le Darfour en est un exemple parlant, étant liée à la migration des pasteurs sur des terres plus humides déjà … Continuer de lire sont deux faces d’une même pièce et essayer de retracer la cause première de migration semble vain. Plus généralement, de nombreux et nombreuses spécialistes de la migration le répètent encore et toujours : qu’ils soient climatiques, économiques ou politiques, les motifs de migration sont si entremêlés que l’on ne peut les séparer. Pourtant, en Europe, on essaye encore et toujours de classer et de trier. Alors que, comme le souligne François Gemenne, chercheur et spécialiste des flux migratoires, les débats sur le coût des personnes migrantes ou l’opportunité de les accueillir – une réflexion totalement utilitariste – seraient considérés comme terriblement offensants si on les transposait à d’autres catégories de la population, comme les personnes âgées, les personnes en situation de handicap ou les travailleurs et travailleuses du secteur public. Car c’est le principe même de solidarité : chacun et chacune est tour à tour une charge, un investissement, ou une source de richesse pour la communauté (2020). Et cette solidarité, c’est ce qui nous relie tous ensemble au sein d’une société.

Pour Carola Rackete, il est du devoir des êtres humains en situation de privilèges – aussi petits ou grands qu’ils puissent l’être – de s’engager en faveur des autres : « Nous n’avons pas le droit de regarder ailleurs simplement parce qu’il s’agit d’un groupe auquel nous n’avons pas le sentiment d’appartenir. Cela affaiblit le droit de tous – les plus faibles sont les premiers touchés, c’est tout. » (Idem, p.117)

Malheureusement, à l’heure actuelle, lorsqu’il est question de migrations climatiques, c’est généralement sous le prisme d’une menace anxiogène, via l’image d’une vague massive de migration. Aujourd’hui déjà, la migration est vue comme un problème conjoncturel, à résoudre ou à empêcher, et non comme une stratégie d’adaptation ou un droit humain. Cette peur, pourtant, prend racine dans le même problème que celui qui pousse les gens à tenter la traversée des frontières : une mondialisation qui profite à une élite minoritaire qui peut s’enrichir et se protéger, tandis que ceux et celles qui travaillent à leur enrichissement en subissent les effets négatifs (pollution, réchauffement climatique, problèmes de santé physique et mentale) qui menacent jusqu’à leur existence. Ainsi, dans le Nord Global, les exploité·e·s tentent de protéger leurs derniers privilèges (leur niveau de vie, leur emploi, leur retraite) derrière une frontière qui sera de toute manière franchie (Hempf et Lavocat, 2018).

Pourtant, les frontières, elles, font déjà de vrais morts. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés fait état de plus de 18 000 décès et disparitions de personnes migrantes au cours de leur fuite en méditerranée depuis 2014, ce qui fait aujourd’hui de la méditerranée la frontière la plus dangereuse du monde (Rackete, 2020, p.52). Pour Carola Rackete, il est donc du devoir des êtres humains en situation de privilèges – aussi petits ou grands qu’ils puissent l’être – de s’engager en faveur des autres : « Nous n’avons pas le droit de regarder ailleurs simplement parce qu’il s’agit d’un groupe auquel nous n’avons pas le sentiment d’appartenir. Cela affaiblit le droit de tous – les plus faibles sont les premiers touchés, c’est tout. » (Idem, p.117)

Alors que les changements climatiques nous font comprendre que certains de nos cadres d’analyse sont désormais dépassés, comme celui des frontières, c’est comme si nos responsabilités s’arrêtaient à la limite nationale. Que ce soit via la dépolitisation de la question climatique, considérant que le partage des responsabilités doit se faire entre pays ou individus sans prendre en compte les inégalités entre les responsables et ceux et celles qui subissent ce changement climatique, que ce soit par l’imaginaire de crise conjoncturelle de la migration et la diabolisation des migrants « économiques » qui tait les facteurs multi-causaux des déplacements, que ce soit par le refus d’un statut de réfugié à des personnes forcées de quitter leurs terres à cause de leur dégradation… les relations d’oppression qui nous relient tous et toutes à travers tous les pays sont souvent tues, ignorées et trop peu considérées dans l’étude de solutions. Justices migratoire, sociale et environnementale sont pourtant des concepts clés pour repolitiser les problématiques climatiques et migratoires et envisager des solutions sous l’angle d’une citoyenneté réellement mondiale et solidaire.

Références

Références
1 Juillet 2021 fut le mois le plus chaud jamais enregistré par rapport à une moyenne mondiale. De nombreux pays ont également enregistré des records de température, comme la Turquie (49,1°C), le Maroc, le Canada, le Japon, les Etats-Unis, la Sibérie,… (Deluzarche, 2021)
2 Aussi appelées migrations climatiques. Il n’existe pas de définition internationale de la mobilité environnementale à ce jour, mais l’Organisation Internationale des Migrations propose celle-ci : « On appelle migrants environnementaux les personnes ou groupes de personnes qui, essentiellement pour des raisons liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l’intérieur de leur pays ou en sortent » (OIM : Portail sur la Migration environnementale).
3 Le texte officiel complet peut être consulté ici : https://www.unhcr.org/fr/about-us/background/4b14f4a62/convention-protocole-relatifs-statut-refugies.html
4 Cela n’empêche pas la Nouvelle Zélande de faciliter l’immigration de certain·e·s ressortissant·e·s d’îles du Pacifique Sud menacées par la montée des eaux (Felli, 2008). Mais selon ses propres critères.
5 Même si d’autres condamnent l’utilisation du terme de réfugié climatique, considérant qu’il peut déforcer le statut de réfugié politique, permettant donc à certains pays de s’affranchir encore plus de la Convention de Genève (Legoux, 2010).
6 Les termes Nord Global/Sud Global, de plus en plus employés dans le monde associatif, ont pour objectif de souligner la fracture entre pays enrichis et dominants et pays appauvris et dominés via des rapports de force (des relations néocoloniales, des systèmes de dettes, etc.). Le terme « Nord Global » et non « Nord » est employé afin de montrer que cette division n’est pas purement géographique, avec des pays appauvris au Nord ou enrichis au Sud.
7 Notamment car ce sont souvent elles qui fournissent le foyer en eau, cultures agricoles, bois et autres et elles dépendent donc plus de la biomasse (IBON International, 2020, pp.87-88).
8 Personne dont l'orientation ou l'identité sexuelle ne correspond pas aux modèles dominants.
9 Pour une analyse plus poussée de ces luttes contre les projets extractivistes et les notions de territoire et d’écologie au Nord Global et Sud Global, voir notre article « Écologies du Nord et du Sud : les communs comme exemple de réappropriation populaire de l’environnement naturel et urbain » sur le site Internet de la FUCID : https://www.fucid.be/ecologies-du-nord-et-du-sud-les-communs-comme-exemple-de-reappropriation-populaire-de-lenvironnement-naturel-et-urbain/
10 Cela peut paraître délirant par rapport aux calculs d’émissions de CO2 par pays dont nous avons l’habitude. Il faut dire que ces calculs ne prennent généralement pas en compte les responsabilités historiques au-delà de 1990. Les émissions liées à la fabrication de produits qui sont ensuite exportés dans d’autres pays ne sont pas non plus prises en compte pour le calcul des émissions de CO2 des pays importateurs qui consomment ces produits, ce qui efface en grande partie l’importance de la consommation et des modes de vie.
11 Et parfois même migration politique : des liens causaux ont en effet été établis entre changement de températures ou de précipitation et conflits humains. La guerre qui déchire le Darfour en est un exemple parlant, étant liée à la migration des pasteurs sur des terres plus humides déjà occupées (Pollet, 2017).

Bibliographie

L'analyse en PDF

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