L’accès aux études, un droit pour tou·te·s ?

Partie 1 - Frontières de papier : les enjeux de l'accès aux études pour les étudiant·e·s étranger·e·s

Alix Buron
Chargée de projets à la FUCID

Cette année encore, plus de 250.000 étudiant·e·s ont fait leur rentrée dans l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie Bruxelles – un chiffre qui ne cesse d’augmenter (Lhuillier, 2021). Pour beaucoup d’entre eux·elles, ces études sont la suite logique de leur parcours secondaire, le CESS étant le seul passe-droit nécessaire pour accéder à une université ou une haute école, couplé à un processus d’inscription relativement simple, parfois un examen d’entrée. Pourtant, pour beaucoup d’étudiant·e·s étranger·e·s, ayant obtenu leur diplôme d’études secondaires (et parfois supérieures) dans un autre pays que la Belgique, l’accès aux études en Belgique peut s’avérer un véritable parcours semé d’embuches.

Le 18 septembre 2021, Junior Masudi Wasso arrive en Belgique afin d’étudier à l’UCLouvain. Il a obtenu un visa étudiant et s’est inscrit dans cette université après de longues démarches administres dans son pays natal, la République démocratique du Congo. Mais, alors même qu’il a tous les documents en main et a déjà payé les frais nécessaires à son inscription avant d’arriver en Belgique, il est arrêté lors d’un contrôle de la police aéroportuaire et placé dans le centre fermé de Steenokkerzeel, les policiers considérant le motif de son voyage comme étant suspect et les réponses de l’étudiant confuses (La Ligue de l’Enseignement, 2021). Il y restera 17 jours. Le ministère congolais des Affaires étrangères ainsi que l’UCLouvain auront dû intervenir pour qu’il soit autorisé à poursuivre ses études en Belgique et non renvoyé dans son pays.

Mansour est Syrien. Il étudiait la biochimie en Ukraine depuis quatre ans et a dû fuir à cause de l’invasion russe. Son moral est au plus bas : non seulement il doit faire une demande d’asile car il ne bénéficie pas d’un statut de protection temporaire comme les ressortissant·e·s ukrainien·ne·s, mais il ne sait pas quand il pourra continuer ses études (Muhoma-Mahoro et al., 2022). Il lui faudra en effet d’abord obtenir un statut de réfugié – s’il l’obtient – avant de pouvoir prétendre commencer les démarches pour finir sa scolarité en Belgique. Cela pourrait prendre des mois… ou des années.

Damia est une réfugiée syrienne qui habite aujourd’hui en Belgique. Elle avait déjà fait des études supérieures dans son pays, mais voudrait obtenir un diplôme de puéricultrice pour pouvoir travailler. Arrivée en Belgique, elle a dû attendre deux ans avant de pouvoir suivre des cours de français. Elle se retrouve ensuite confrontée aux difficultés administratives, au manque d’accès à l’information, rien n’étant facilement accessible via Internet. Si elle n’avait pas eu le soutien du CAI[1]Centre d’Action Interculturelle de la province de Namur. et de sa professeure de français, elle n’aurait pas su comment avoir accès à l’enseignement supérieur.[2] Témoignage recueilli lors de l’événement « L’accès aux études, qu’importe d’où tu viens » organisé par le kot Amnesty International UNamur en collaboration avec la FUCID, le 28 mars 2022.

Trois exemples qui montrent, chacun à leur manière, la difficulté d’accès aux études supérieures en Belgique quand on n’est pas issu d’un pays du Nord ou d’une famille particulièrement privilégiée. Ces réalités étant complexes, nous avons décidé de les explorer dans deux analyses distinctes. La première (celle que vous lisez actuellement) évoquera la problématique des étudiant·e·s étranger·e·s, tandis que la seconde plongera dans la réalité des réfugié·e·s et demandeur·euse·s d’asile souhaitant étudier en Belgique. Chacune pouvant être lue indépendamment. 

Frontières administratives

L’accès aux études en Belgique peut se faire après un long labyrinthe administratif aux règles parfois peu claires, en comptant souvent sur de la chance et pas mal de moyens financiers. Anne-Marie Van den Broeck, avocate au Barreau de Bruxelles le disait très clairement il y a presque 20 ans : « les objectifs — avoués ou non — du législateur et ceux de l’administration dans l’application des dispositions de la loi ne sont manifestement pas d’accueillir largement les étudiants étrangers désireux d’entamer, de poursuivre ou de reprendre des études en Belgique. Le parcours de l’étudiant étranger est marqué d’obstacles et d’embûches avec, à chaque étape, le risque d’être mis hors course » (1993). Une réalité qui est toujours d’actualité.

L’accès aux études en Belgique peut se faire après un long labyrinthe administratif aux règles parfois peu claires, en comptant souvent sur de la chance et pas mal de moyens financiers. Anne-Marie Van den Broeck, avocate au Barreau de Bruxelles le disait très clairement il y a presque 20 ans : « les objectifs — avoués ou non — du législateur et ceux de l’administration dans l’application des dispositions de la loi ne sont manifestement pas d’accueillir largement les étudiants étrangers désireux d’entamer, de poursuivre ou de reprendre des études en Belgique. Le parcours de l’étudiant étranger est marqué d’obstacles et d’embûches avec, à chaque étape, le risque d’être mis hors course » (1993). Une réalité qui est toujours d’actualité.

L’étudiant·e candidat·e doit ainsi remettre au poste diplomatique belge de son pays d’origine une série de documents, comme une attestation d’enseignement, la preuve de moyens de subsistance suffisants (ce qui de fait exclut la majorité des personnes issues de pays moins favorisés), un certificat médical et un certificat d’absence de condamnation. Si son pays figure sur la « liste rouge » de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’original de son diplôme sera également exigé, sachant que la délivrance de ces diplômes passe par un délai d’homologation : un an en Belgique, trois ans au Cameroun… et parfois une durée indéfinie pour certains pays comme le Sénégal, qui n’a plus délivré de diplôme de l’enseignement secondaire depuis dix ans (CIRÉ ASBL, 2017). Chaque phase de la constitution de ce dossier est lourde et coûteuse : frais d’équivalence, de redevance consulaire, passeport biométrique, redevance pour le visa, etc. et, finalement, le minerval belge. L’inscription doit d’ailleurs se faire obligatoirement entre février et avril de l’année académique précédant celle où les études sont entamées. Mais ce n’est pas tout : « Une fois tous ces éléments réunis, reste à compléter un questionnaire de motivation de huit pages, dont l’appréciation par le fonctionnaire de l’ambassade peut à elle seule remettre en cause le transfert du dossier vers l’Office des étrangers en Belgique » (Idem). Il existe également la possibilité de screenings plus approfondis, comme pour les candidat·e·s camerounais·e·s qui ont dû, en 2018, passer une série d’entretiens sur leurs intentions, compétences et connaissance de la langue (Belga, 2018).

Mais il ne suffit pas de parvenir à obtenir un visa étudiant : faut-il encore pouvoir le conserver. Par exemple, l’étudiant·e étranger·e non-UE ne pourra travailler qu’avec une limite d’heures, le dépassement de celles-ci pouvant justifier son renvoi du pays (InforJeunes, 2022). Évidemment, échouer n’est pas non plus envisageable, les résultats scolaires de l’étudiant·e étant pris en compte dans la prolongation de son visa. Cette autorisation doit en effet être renouvelée chaque année, ce qui peut également être délicat si la personne ne dispose plus des moyens de subsistance suffisants ; ce qui arrive régulièrement pour celles issues de pays politiquement et économiquement instables, qui peuvent donc leur retirer leur bourse d’études d’une année à l’autre.[3]D’ailleurs, la majorité n’en fournissent plus pour partir étudier dans un pays du Nord, les étudiants devant alors tenter leur chance auprès des bourses belges (souvent pour le troisième cycle).

La hausse du minerval… une université pour tou·te·s ?

Le coût des études pour les étudiant·e·s étranger·e·s, d’ailleurs, parlons-en. En 2016, mauvaise surprise pour les personnes issu·e·s de pays en voie de développement (hors « pays moins avancés »[4]Liste des pays dont les personnes qui en sont issues bénéficient de droits d’entrée réduits : ils payent en effet le minerval, mais pas les droits d’inscription spécifiques. Les recteurs avaient cependant demandé en 2016 de supprimer cette catégorisation, ce qui aurait permis la … Continuer de lire ) qui étudient en Belgique : le droit d’inscription spécifique (DIS) – qui s’ajoute au coût du minerval de 835€ – augmente à 4.175€. Une modification du décret Marcourt, adoptée le 16 juin 2016, supprime en effet la catégorie des « pays en voie de développement » qui payaient alors un DIS de 2.758 €, et prévoit également de permettre l’augmentation du DIS jusqu’à 12.525€ pour les étudiant·e·s non européen·ne·s, c’est-à-dire 15 fois le montant d’un minerval classique (EcoloJ, 2016). Face à cela, des actions de certain·e·s professeur·e·s et de nombreux collectifs étudiants, allant jusqu’à l’occupation des rectorats de l’UCLouvain et de l’ULB, ont permis d’empêcher cette hausse dramatique des droits d’inscription, mais également d’ajouter 11 pays supplémentaires à la liste des pays moins avancés, exonérés de droits majorés. Cependant, cet engagement courait jusqu’à la rentrée 2022. L’ARES (Académie de recherche et d'enseignement supérieur), qui fixe le montant des droits d’inscription, serait donc désormais en mesure d’augmenter les frais de scolarités jusqu’à la limite de 12.525 euros.[5]À savoir que le montant du DIS sera toujours de 4.175 euros pour 2022-2023 selon la Circulaire n°2021-001 de l’ARES.

Parmi les arguments en faveur du déplafonnement du minerval évoqués à l’époque par les recteurs : le surcoût occasionné par les étudiant·e·s hors Union européenne qui ne cotisent par pour les impôts en Belgique, leur capacité à payer une hausse du minerval (car venant de familles favorisées, même si provenant de pays appauvris), mais également la volonté d’augmenter l’attractivité des universités belges au niveau international, le prix du minerval étant considéré comme un signal de la qualité de la formation (Observatoire Belge des Inégalités, 2016).

Pourtant, le revenu attendu de cette hausse de minerval n’aurait permis qu’un bénéfice marginal. L’Observatoire Belge des Inégalités explique en effet que les étudiant·e·s ressortissant de pays hors Union européenne ne représentent que 6% des étudiant·e·s de l’enseignement supérieur francophone [6]9011 visas d’études ont été accordés en 2019. On comparera ce chiffre au nombre d’étudiant·e·s français·es, par exemple, largement plus nombreux (40 000 en 2019 – une augmentation de plus de 220% depuis 2010), et qui payent donc le même minerval que les Belges (Danré, 2019). : « Même si cette mesure était étendue à tous les étudiants étrangers et que le minerval était porté à 12.525€, cela ne représenterait qu’environ 4% de la dotation totale allouée aux universités pour le financement de tous les étudiants, à supposer que tous continuent à suivre les cours en Belgique. Mais cette hausse [du minerval] pourrait bien considérablement diminuer le nombre d’étudiants issus des pays pauvres » (2016). Ces derniers représentent d’ailleurs la majorité des étudiant·e·s hors UE en Belgique, une minorité seulement venant de pays enrichis. N’oublions pas non plus que les étudiant·e·s européen·ne·s ne cotisent pas aux impôts belges tout en étant bien plus nombreux… mais que, Européens ou non, ils consomment tous au quotidien en vivant en Belgique, restent parfois quelques années ou toute une vie pour y travailler, et contribuent donc à remplir les caisses publiques (CIRÉ ASBL, 2017).

Non seulement la hausse du minerval ne permettrait pas de refinancer les universités belges, mais on peut surtout observer que cette augmentation des frais à charge des étudiant·e·s s’inscrit plus largement dans une politique de marchandisation de l’enseignement. Ce qui fait craindre une éducation à deux vitesses, de plus en plus élitiste, avec une hausse généralisée du minerval pour tou·te·s les étudiant·e·s par la suite, comme ce fut le cas au Royaume-Uni. Mais aussi un financement inégal en fonction de l’ « attractivité » des matières enseignées. Tout cela réduirait l’accès à un enseignement supérieur de qualité : « En effet, toute augmentation des frais d’inscription laisse entendre que les études sont un investissement individuel duquel on compte retirer un bénéfice et non un droit collectif au bénéfice de tou·te·s. » (Solidaire étudiant·e·s, 2018).

Non seulement la hausse du minerval ne permettrait pas de refinancer les universités belges, mais on peut surtout observer que cette augmentation des frais à charge des étudiant·e·s s’inscrit plus largement dans une politique de marchandisation de l’enseignement. Ce qui fait craindre une éducation à deux vitesses, de plus en plus élitiste, avec une hausse généralisée du minerval pour tou·te·s les étudiant·e·s par la suite, comme ce fut le cas au Royaume-Uni. Mais aussi un financement inégal en fonction de l’ « attractivité » des matières enseignées. Tout cela réduirait l’accès à un enseignement supérieur de qualité : « En effet, toute augmentation des frais d’inscription laisse entendre que les études sont un investissement individuel duquel on compte retirer un bénéfice et non un droit collectif au bénéfice de tou·te·s. » (Solidaire étudiant·e·s, 2018).

Car s’il faut constater que les études universitaires sont déjà suivies par un public assez favorisé dans son ensemble[7]On y trouve plus de personnes aisées que dans le reste de la société : « en 2011, 69,1 % des Belges entre 21 et 25 ans dont la mère a fait des études universitaires poursuivent des études, alors qu’ils/elles ne sont que 12,4 % lorsque celle-ci a au plus un diplôme du primaire » (Girès, … Continuer de lire, l’Observatoire Belge des Inégalités a montré, suite à une large étude, que 7% des étudiant·e·s se trouvent malgré tout en privation matérielle sévère (pas les moyens de s’acheter les syllabi nécessaires pour les cours, de boire un verre, pas d’ordinateur adapté ou pas d’ordinateur du tout…). Un chiffre quatre fois plus élevé chez les étudiant·e·s de milieu modeste (13%) par rapport aux milieux aisés, avec une surreprésentation de personnes issues des migrations africaines parmi les populations les plus pauvres – certaines habitant depuis longtemps en Belgique, d’autres venues exclusivement pour y étudier (Girès, Paume, 2021).

Cette précarité est donc un obstacle à l’accès aux études, mais également à la réussite de celles-ci (moins bonnes conditions d’étude, obligation d’avoir un job étudiant, etc.). Ainsi, non seulement nombre d’étudiantes et étudiants étrangers doivent faire face aux inégalités de richesse entre leur pays et la Belgique et donc se serrer la ceinture même si leur famille est considérée comme aisée dans leur pays d’origine, mais ils n’ont pas non plus accès aux mêmes aides que les Belges (bourses, CPAS, etc.). À cela s’ajoutent des frais d’inscriptions supplémentaires, qui représentent bel et bien un poids majeur sur leurs conditions de vie : en Belgique, « les étudiant·es issus des pays pauvres, principalement d’Afrique et du Maghreb (sic), sont 28 % à être dans une situation de « privation sévère » (contre 4 % des Belges) » (Idem). C’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas chauffer leur logement ou s’acheter du matériel scolaire. « Autrement dit, en termes de revenus, le minerval imposé aux étudiants issus de pays comme la Bolivie, le Cameroun ou le Maroc représente de fait une somme considérable y compris pour ceux issus des classes supérieures, à l’exception de la couche extrêmement restreinte des membres les plus fortunés qui privilégient pour leur part les études dans les universités les plus prestigieuses du monde » (Observatoire Belge des Inégalités, 2016).

Et ailleurs en Europe ? Le cas ukrainien

Comme la Belgique, de nombreuses universités européennes offrent un minerval à coût équivalent pour étudiantes et étudiants nationaux et européens, faisant payer le prix fort aux étudiant·e·s non européen·ne·s – comme en Angleterre ou en Irlande où la différence de minerval est particulièrement élevée. Cela dit, on remarquera que d’autres pays membres conservent les mêmes frais d’inscription, dont certains (comme la République Tchèque, l’Allemagne ou, en dehors de l’UE, la Norvège) la gratuité pour tou·te·s, quelle que soit leur origine (Taylor, 2022).

L’Ukraine fait partie de ces pays qui s’illustrent par un système d’enseignement supérieur peu coûteux et aux conditions de visa accessibles. Le pays a en effet une politique volontariste d’accueil des étudiant·e·s étranger·e·s, poursuivant une pratique issue de la période soviétique et qui servait alors un double objectif : « D’une part former des ‘‘cadres nationaux’’ prosoviétiques et favorables au socialisme, et d’autre part afficher une solidarité internationaliste envers les pays victimes de l’impérialisme, tout en instaurant des relations bilatérales avec des États postcoloniaux » (Andro, Jamid, 2022). Cet accueil se poursuit aujourd’hui largement, très loin de la politique au cas par cas de la majorité des pays européens.

C’est cela qui explique le grand nombre d’étudiant·e·s étranger·e·s ayant fui l’Ukraine lors du début des assauts russes. Leur situation dans les pays d’accueil, s’ils ont pu les atteindre[8]On note des passages difficiles à la frontière sur base de leur origine ethnique ainsi que le refus de se voir accorder le statut de réfugié·e·s. Pour plus d’informations, voir l’analyse de la FUCID : … Continuer de lire, est d’ailleurs encore floue. Contrairement aux étudiantes et étudiants ukrainiens, ils n’ont pas eu accès au statut de protection temporaire – donc au statut de réfugié·e·s sans procédure administrative – et doivent passer par une demande d’asile avant de pouvoir prétendre étudier au sein de nos universités. Les Ukrainien·e·s ayant fui en Belgique, quant à eux·elles, ont pu poursuivre leurs études dès l’année académique en cours, entre cours en Anglais et modules d’apprentissage de la langue française (Muhoma-Mahoro, 2022). Pour la porte-parole de l’Université Libre de Bruxelles, il s’agissait en effet de privilégier des étudiant·e·s qui ne peuvent plus retourner dans leur pays, contrairement aux étudiant·e·s étranger·e·s. Mais ce serait sans doute oublier que, si ces personnes ont fait le choix d’étudier en Ukraine, c’est sans doute car elles ne pouvaient suivre le même cursus dans leur pays d’origine – par manque de place, à cause de l’absence complète de certaines filières d’enseignement, et/ou de l’instabilité politique.

L’accès au savoir : pierre angulaire de la coopération au développement ?

De toute évidence, étudiant·e·s étranger·e·s et internationaux·ales ne sont pas catégorisé·e·s de la même manière et renvoient à des stratégies différentes : faire obstacle à l’étudiant étranger venant des anciennes colonies et des pays du Sud, attirer les étudiants internationaux de pays enrichis ou de pays du Nord, en rendant nos universités plus « crédibles », plus « prestigieuses »… et peut-être bien plus coûteuses.

Ainsi, dans un monde où l’éducation devient globalisée, alors que l’accès aux études dans leur pays d’origine est encore un problème important pour nombre d’étudiant·e·s du Sud[9]Notamment à cause de la faible capacité des universités dans leur pays, particulièrement sur le continent africain, ce qui fait qu’il faut parfois attendre plusieurs années après le diplôme secondaire pour obtenir une place dans une université (Kemunto Bosire, 2021)., l’accès à certains savoirs[10]Nous utilisons l’expression « certains savoirs », car ceux étant les plus considérés et enseignés dans les universités sont des savoirs situés, académiques et principalement issus de pays du Nord. Afin de promouvoir un savoir réellement globalisé, bénéfique pour le Nord comme le Sud, … Continuer de lire leur est toujours refusé par des frontières de papier. Non seulement les pays du Nord imposent leurs propres normes et savoirs à travers le monde, mais on refuse aux étudiant·e·s d’anciens pays colonisés, sur lesquels bien des pays du Nord se sont enrichis, l’accès aux études dans les universités du Nord.

Ainsi, dans un monde où l’éducation devient globalisée, alors que l’accès aux études dans leur pays d’origine est encore un problème important pour nombre d’étudiant·e·s du Sud, l’accès à certains savoirs leur est toujours refusé par des frontières de papier. Non seulement les pays du Nord imposent leurs propres normes et savoirs à travers le monde, mais on refuse aux étudiant·e·s d’anciens pays colonisés, sur lesquels bien des pays du Nord se sont enrichis, l’accès aux études dans les universités du Nord.

En fond : cette vieille idée qu’une personne étrangère ne viendrait dans nos pays que pour bénéficier d’une série d’avantages, voire, dans le cas des étudiant·e·s, qu’ils·elles ne seraient que des « migrant·e·s économiques »[11]On précisera que non seulement les raisons de migrer sont nombreuses en entremêlées, et qu’il est donc impossible de faire des classifications, mais que le terme de « migrant économique » est largement utilisé dans la sphère publique de manière péjorative, renfermant de nombreux … Continuer de lire en puissance, avec une stratégie de pied dans la porte grâce à des « fausses études ». S’il est en effet possible que des personnes considèrent leurs études en Europe comme une opportunité d’émigrer définitivement, n’oublions pas que les visas étudiants ne représentent que 13% de l’ensemble des premiers titres de séjour délivrés en 2015 et seulement 3,4% de l’ensemble des titres de séjour valables sur le territoire[12]La proportion de refus varie d’ailleurs fortement en fonction des nationalités : de 55% pour les Camerounais à 1% pour les Chinois, Indiens ou Américains (MYRIA, 2021). (CIRÉ ASBL). Et leurs conditions d’accès sont d’ailleurs assez strictes : en 2018, 9011 visas d’études ont été accordés, contre 2074 refusés (Belga, 2018). Pourtant, dans un même temps, les diplômé·e·s sont encouragé·e·s à rester en Belgique après leurs études afin que, selon les mots de Theo Francken, alors secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration, « notre pays puisse également bénéficier des avantages économiques de l'investissement dans l'enseignement des ressortissants de pays tiers » et combler les déficits d’emplois qualifiés dans certains secteurs en Belgique (7sur7, 2017).

Cela dit, au-delà d’une perspective tournée uniquement vers l’enrichissement de nos propres pays, il est temps de songer plus amplement à une politique solidaire d’ouverture de nos cursus d’enseignement supérieur, à l’image de celle pratiquée en Ukraine. C’est-à-dire permettre à tous et toutes d’avoir accès à des écoles supérieures de classe mondiale, dans un contexte de mobilité internationale toujours plus importante. Non seulement car il s’agit d’une richesse supplémentaire à travers la diversité culturelle et les liens créés entre les pays, mais surtout parce que l’accès au savoir devrait être un droit, et non un luxe, qu’importe le pays d’où on vient.

Références

Références
1 Centre d’Action Interculturelle de la province de Namur.
2 Témoignage recueilli lors de l’événement « L’accès aux études, qu’importe d’où tu viens » organisé par le kot Amnesty International UNamur en collaboration avec la FUCID, le 28 mars 2022.
3 D’ailleurs, la majorité n’en fournissent plus pour partir étudier dans un pays du Nord, les étudiants devant alors tenter leur chance auprès des bourses belges (souvent pour le troisième cycle).
4 Liste des pays dont les personnes qui en sont issues bénéficient de droits d’entrée réduits : ils payent en effet le minerval, mais pas les droits d’inscription spécifiques. Les recteurs avaient cependant demandé en 2016 de supprimer cette catégorisation, ce qui aurait permis la possibilité d’une hausse du minerval pour cette catégorie de personnes. Liste disponible ici : https://www.jeminforme.be/minerval-et-droits-d-inscription/
5 À savoir que le montant du DIS sera toujours de 4.175 euros pour 2022-2023 selon la Circulaire n°2021-001 de l’ARES.
6 9011 visas d’études ont été accordés en 2019. On comparera ce chiffre au nombre d’étudiant·e·s français·es, par exemple, largement plus nombreux (40 000 en 2019 – une augmentation de plus de 220% depuis 2010), et qui payent donc le même minerval que les Belges (Danré, 2019).
7 On y trouve plus de personnes aisées que dans le reste de la société : « en 2011, 69,1 % des Belges entre 21 et 25 ans dont la mère a fait des études universitaires poursuivent des études, alors qu’ils/elles ne sont que 12,4 % lorsque celle-ci a au plus un diplôme du primaire » (Girès, Paume, 2021).
8 On note des passages difficiles à la frontière sur base de leur origine ethnique ainsi que le refus de se voir accorder le statut de réfugié·e·s. Pour plus d’informations, voir l’analyse de la FUCID : https://www.fucid.be/actes-de-discrimination-envers-les-migrant%c2%b7e%c2%b7s-le-cas-ukrainien/
9 Notamment à cause de la faible capacité des universités dans leur pays, particulièrement sur le continent africain, ce qui fait qu’il faut parfois attendre plusieurs années après le diplôme secondaire pour obtenir une place dans une université (Kemunto Bosire, 2021).
10 Nous utilisons l’expression « certains savoirs », car ceux étant les plus considérés et enseignés dans les universités sont des savoirs situés, académiques et principalement issus de pays du Nord. Afin de promouvoir un savoir réellement globalisé, bénéfique pour le Nord comme le Sud, beaucoup plaident pour une décolonisation des savoirs de nos universités. Pour plus d’informations, voir les analyses de la FUCID : https://www.fucid.be/decoloniser-pour-revolutionner/ et https://www.fucid.be/reequilibrer-pour-decoloniser-a-la-recherche-dautonomie/
11 On précisera que non seulement les raisons de migrer sont nombreuses en entremêlées, et qu’il est donc impossible de faire des classifications, mais que le terme de « migrant économique » est largement utilisé dans la sphère publique de manière péjorative, renfermant de nombreux préjugés : par exemple, l’idée de migrants ne venant en Belgique que pour bénéficier de la sécurité sociale sans travailler, ou au contraire « volant » l’emploi des Belges. Des préjugés qu’il faut absolument démonter, comme s’y emploient par exemple Amnesty International (https://inegalites.be/Les-inegalites-d-acces-et-de) ou le Ciré (https://inegalites.be/Les-inegalites-d-acces-et-de).
12 La proportion de refus varie d’ailleurs fortement en fonction des nationalités : de 55% pour les Camerounais à 1% pour les Chinois, Indiens ou Américains (MYRIA, 2021).

Bibliographie
  • 7sur7, 26 octobre 2017, « Francken veut se débarrasser des faux étudiants étrangers », https://www.7sur7.be/home/francken-veut-se-debarrasser-des-faux-etudiants-etrangers~af5a7dbf/
  • Andro Armelle, Jamid Hicham, 20 avril 2022, « Recueillons les « étranger.es » qui étudiaient en Ukraine ! », AOC, https://aoc.media/opinion/2022/04/19/recueillons-les-etranger-es-qui-etudiaient-en-ukraine/
  • Belga, 4 avril 2018, « Theo Francken annonce un screening approfondi pour les étudiants camerounais », RTBF, https://www.rtbf.be/article/theo-francken-annonce-un-screening-approfondi-pour-les-etudiants-camerounais-9884115
  • Belga, 15 mars 2022, « Les étudiants congolais venus d'Ukraine demandent à continuer leurs études en Belgique », RTBF, https://www.rtbf.be/article/les-etudiants-congolais-venus-d-ukraine-demandent-a-continuer-leurs-etudes-en-belgique-10955405
  • CIRÉ ASBL, 2017, « Quel accès à l’enseignement supérieur en Belgique pour les étudiants étrangers ? », https://www.cire.be/publication/quel-acces-a-l-enseignement-superieur-en-belgique-pour-les-etudiants-etrangers/
  • Danré Valentin, 15 décembre 2019, « Les étudiants français en Belgique coûteraient cher: faut-il augmenter le minerval ? », RTL Info, https://www.rtl.be/info/magazine/c-est-pas-tous-les-jours-dimanche/les-etudiants-francais-qui-viennent-etudier-en-belgique-coutent-cher-faut-il-augmenter-le-minerval--1181577.aspx
  • EcoloJ, 7 décembre 2016, « Retour sur | Mouvement « Non à la hausse du minerval des étudiant-e-s hors UE » à l’ULB », https://ecoloj.be/retour-sur-mouvement-non-a-la-hausse-du-minerval-des-etudiant-e-s-hors-ue-a-lulb/
  • Girès Joël, Paume Juliette, 21 octobre 2021, « Les inégalités d’accès et de conditions de vie à l’Université », Observatoire Belge des Inégalité, https://inegalites.be/Les-inegalites-d-acces-et-de
  • InforJeunes, 29 Mars 2022, « Job étudiant et étudiants étrangers », https://www.jeminforme.be/job-etudiant-et-les-etudiants-etrangers/
  • Kemunto Bosire Lydiah, 9 février 2021, « [Tribune] Pour en finir avec le cliché sur la « fuite des cerveaux » africains », Jeune Afrique, https://www.jeuneafrique.com/1118114/economie/tribune-pour-en-finir-avec-lidee-recue-de-la-fuite-des-cerveaux-africains/
  • La Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente asbl, 4 octobre 2021, « Junior Masudi Wasso enfermé pour rien », https://ligue-enseignement.be/junior-masudi-wasso-enferme-pour-rien/
  • Lhuillier Vanessa, 14 septembre 2021, « Les étudiants n’ont jamais été aussi nombreux à s’inscrire dans le supérieur », Bx1, https://bx1.be/categories/news/les-etudiants-nont-jamais-ete-aussi-nombreux-a-sinscrire-dans-le-superieur/
  • Muhoma-Mahoro Clovis, Février Pauline, Bérard Antoine et Witmeur Emilie, 20 avril 2022, « D’Ukraine en Belgique : un accueil à double vitesse pour les étudiants réfugiés », Journalisme ULB, https://journalisme.ulb.ac.be/longform/dukraine-en-belgique-un-accueil-a-double-vitesse-pour-les-etudiants-refugies/
  • MYRIA (Centre fédéral migrations), 2021, « La migration en chiffres et en droits », Le cahiers du rapport annuel, https://www.myria.be/files/2021_RAMIG_Migration_economique.pdf
  • Observatoire Belge des Inégalités, 5 décembre 2016, « L’augmentation du minerval des étudiants étrangers », https://inegalites.be/L-augmentation-du-minerval-des
  • Solidaire étudiant·e·s, 18 novembre 2018, « Étudiant·e·s étranger·e·s hors-UE : Non à l'augmentation des frais d'inscriptions et aux discriminations ! », https://solidaires-etudiant-e-s.org/site/2018/11/18/etudiant%C2%B7e%C2%B7s-etranger%C2%B7e%C2%B7s-hors-ue-non-a-laugmentation-des-frais-dinscriptions-et-aux-discriminations/
  • Taylor Ben, 7 juillet 2022, « Study Abroad, for Free? 11 European Countries Where Masters Tuition is FREE (or Almost Free) in 2022-23 », https://www.findamasters.com/blog/1598/study-abroad-for-free-11-european-countries-where-masters-tuition-is-free-or-almost-free-in-2022-23
  • Van den Broeck Anne-Marie, 1993, « Les étudiants » dans « Le droit des étrangers », Mignon et Jadoul (dir.), Presses de l’Université Saint-Louis, pp.105-123, https://books.openedition.org/pusl/13518

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